Piégé grâce à une interview télévisée

 

Le 5 février 1983, Klaus Barbie est expulsé de Bolivie.

Après une cavale de 32 ans en Amérique du Sud, le "boucher de Lyon" est enfin confronté à la justice.

L'enquête en Europe et en Amérique du Sud a permis d'ouvrir le dossier de tous les forfaits de Barbie.

C'est une notable contribution à l'Histoire.

 

"Pourquoi, quarante ans après, faut-il juger Barbie ?

Parce que Hitler n'est pas mort.

Parce qu'il faut raconter l'Histoire, même si elle n'est pas toujours belle."

Ladislas de Hoyos Avril 1984.

Une trouvaille inédite : l'exemplaire dédicacé par Ladislas de Hoyos à son ami, le grand journaliste Yves Mourisi

En 1972, la chasseuse de nazis Beate Klarsfeld parvient à identifier Klaus Barbie grâce à une photo et à le localiser en Bolivie : le criminel nazi, responsable de la déportation et de la mort de milliers de résistants et de Juifs, vivait protégé par le régime du dictateur Banzer sous le pseudonyme de Klaus Altmann.

Christian Van Ryswick, caméraman de la deuxième chaîne (ex-Antenne 2), était aux côtés de Ladislas de Hoyos, le journaliste qui a interviewé, et piégé Barbie, le 3 février 1972 à La Paz, par l'audace de sa démarche et le culot de ses questions.

Un entretien incroyable de 22 minutes, dont on peut revoir des extraits dans le documentaire "Klaus Barbie, criminel nazi." (Vidéo en bas de page)

Ladislas de Hoyos, le grand reporter qui a piégé Altmann (Klaus Barbie)

Jean Moulin, le chef de la résistance, arrêté à Lyon, torturé, condamné par Klaus Barbie

Le SS Klaus Barbie

"Le boucher de Lyon" extradé en France par la Bolivie, 30 ans après

Caricature sur la défense de Barbie lors de son procès

Caricature de l'extradition de Barbie sous le regard de Jean Moulin et des résistants déportés

Extraits de presse Télérama

Comment s'est constituée votre équipe de télévision en partance pour le rencontrer en Bolivie?

Ça s'est décidé vite. Ladis venait d'arriver sur la 2 quelques jours auparavant, auréolé de son titre de « grand reporter » à France Soir. A l'époque, c'était un grand journal !

Ladis est arrivé chez nous pour faire de la télé, mais sans savoir vraiment comment on travaillait. On m'a proposé de partir avec lui à « la chasse au Barbie » pour assurer la réalisation.

A l'époque, j'étais grand reporter pour Cinq colonnes à la Une et nombre de magazines. On a formé une équipe, avec un preneur de son, un éclairagiste et beaucoup de matériel. On est parti au Pérou d'abord, puis on a atterri à La Paz, à 4 000 mètres avec les gens qui s'évanouissent à cause de l'altitude ! Beate Klarsfeld était là, elle aussi.

On savait qu'elle était en contact avec un homme de l'ambassade un peu barbouze qui faisait du renseignement. Pour l'anecdote, il y a prescription maintenant, on a mis un micro HF dans sa chambre, qui était à côté de la nôtre, car on espérait récupérer des informations. En vain! Jusqu'à ce qu'on apprenne qu'Altmann était là et qu'on allait pouvoir le rencontrer via le ministère de l'Intérieur. Un type nous a dit : « oui, cela va pouvoir s'organiser mais il va falloir prévoir un dédommagement financier »….

J'imagine que le ministre voulait se prendre un bakchich au passage ?

A l'époque, il nous a demandé un montant qui était relativement important. On partait en reportage avec du cash, mais là, la somme dépassait ce qu'on avait en poche. Donc on appelle Paris. On savait qu'on était sans doute écoutés, alors ça donnait quelque chose du genre : « Oui, l'accouchement va bien avoir lieu. Mais il va falloir faire une césarienne et ça va faire des frais supplémentaires pour que ça se passe bien… »

Cri du cœur de Paris : « Combien ? » Je dis la somme. Autre cri du cœur de la chaîne : « Ok, mais avez-vous un justificatif ? » (Rires) On était sur le point de décrocher un scoop et on nous demandait un justificatif…

Le jour de l'interview organisée dans les locaux du ministère de l'Intérieur bolivien, dans quel état d'esprit étiez-vous? Anxieux. Quand vous partez avec une équipe, c'est un investissement pour la chaîne. Pour vous aussi, car à titre personnel, vous êtes quand même à chaque fois remis en question. Là, en plus, on se rendait compte de l'importance de cette interview ! On a installé la caméra, Altmann est arrivé et on a commencé à filmer. Ladislas de Hoyos a commencé à interroger Altmann en espagnol. Puis soudain, il a basculé en allemand, créant un début de déstabilisation chez Barbie. Avant de passer au français, avec une question piège : « Mais n'êtes-vous jamais allé à Lyon? »

Ladis avait préparé ses questions dans son coin en espagnol. Il était trilingue (français-allemand-espagnol). Effectivement, il a surpris tout le monde lorsqu'il est passé de l'espagnol à l'allemand. Au départ, ça a pris un tour soft. Ladis, homme très classe, parlait un excellent allemand. Il a tenté « d'envelopper » Altmann, l'air de dire « je sais très bien que vous n'êtes pas Barbie ! »

Mais à ce moment-là, je regarde et je vois l'étonnement des Boliviens qui ne comprennent plus rien. Ils avaient demandé qu'on leur soumette les questions avant. Et, soudain, il se passait des choses qui n'étaient plus sous leur contrôle. Ils n'osaient pas intervenir, ni arrêter l'interview.

Puis Ladis a continué en français, et à faire répéter à Barbie des phrases comme « je ne suis pas un assassin »,

Le reportage exceptionnel de Ladislas de Hoyos - L'interview piège referme ses griffes sur le "boucher de Lyon"