La Médecine

Fantasque

Provençale

La médecine n'est pas une science exacte. Certes !

Les anciens l'avaient compris à leur manière.

 

Nos aïeux provençaux exerçaient bien souvent leur propre médecine, avec les moyens du bord. Des moyens, ils n'en avaient guère !

Alors, le règne végétal était souvent utilisé à des fins diverses de guérison par les bergers.

Quant-au règne animal, citons quelques exemples, plus ou moins farfelus, répandus dans nos campagnes.

 

Le secret des herbes

Le berger provençal, n'est pas seulement un magicien, un tempestaïre qui, par certaines paroles secrètes, peut commander aux nuées et à l'orage de s'éloigner du troupeau, c'est aussi un médecin et un botaniste qui, sur bien des points, pourrait apprendre aux savants des villes ce que la nature ne révèle pas dans les laboratoires ni dans les livres, c'est-à-dire les vertus et les propriétés des plantes médicinales quand elles sont cueillies dans des conditions qui varient selon les saisons, selon les heures et même selon les lieux où elles poussent, selon la direction du terrain, l'ensoleillement et la disposition même de l'esprit et de l'humeur de l'herboriste.

Dans ces conditions expérimentales qui exigent à la fois une parfaite connaissance des variations annuelles des mêmes lieux et une ambiance ancestrale que le paysage ranime et réactive continuellement, des végétaux dont l'action thérapeutique a été observée par le médecin et par le pharmacien en des circonstances différentes, semblent prendre des propriétés nouvelles et inconnues entre les mains des bergers.

Quel pharmacologue, par exemple, croirait que l'eau de guimauve est efficace dans le traitement des plaies ? Ou bien que l'on peut guérir des dartres rebelles à d'autres soins en les frottant et en les lavant avec l'urine d'une jeune agnelle ? Ou encore que les capillaires et le sirop de limaçon suffisent à combattre la pourriture des ongles ?

Quel vétérinaire oserait guérir le pied malade d'une brebis en transférant cette influence à une motte de gazon, au coucher du soleil ? Ou bien tracer des croix avec une plume d'outarde et prononcer des mots bizarres sur les boutons des pattes des brebis que l'on nomme le feu sauvage ?

Le secret des animaux de Provence

De la taupe à l'escargot ... Dans le règne animal, il convient de signaler l'utilisation empirique des produits suivants :

Foie de taupe. À Mondragon, le foie de la darboun passait pour donner au pouce gauche de l'homme qui le touchait le pouvoir de guérir les névralgies dentaires.

Testicules de renard. Dans la région du Ventoux, on appliquait sur la poitrine des testicules de renard séchées qui, croyait-on, exerçaient une action favorable à la guérison des maladies utérines.

Graisse de marmotte. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, la graisse de marmotte fut encore utilisée longtemps contre les douleurs rhumatismales.

Tête de mouton. Dans la région d'Arles, une tête de mouton cuite pendant plusieurs heures dans 10 litres d'eau avec des carottes, des poireaux, du cresson, du cerfeuil, du persil et des oignons, jusqu'à ce que la viande se sépare des os, est considéré comme un remède souverain, à la dose de six tasses par jour, contre les inflammations digestives.

Laine de mouton. Contre les amygdalites, les bergers s'entourent la gorge d'une écharpe de laine de mouton non dépouillée de suint.

Peau de serpent. Dans la région d'Arles, la peau de serpent portée en jarretière passait pour préserver des accidents variqueux. Sèche, en ceinture, elle était recommandée contre les lumbagos.

Lézard des murailles. Il a été préconisé contre le cancer et donné, en petits morceaux palpitants dans du pain azyme pendant 21 jours à une malade qui absorba pendant cette cure, 60 lézards. Ce traitement ne semble pas avoir eu de résultat digne d'intérêt.

Cervelle de pie. Dans le haut Var, selon un manuscrit du XVIIIe siècle, on traitait le mal caduc, c'est-à-dire l'épilepsie, en donnant au patient dans du vin blanc une poudre faite d'une cervelle de pie, séchée au four et broyée au mortier.

Excréments de souris. En poudre et desséchés, ils étaient réputés pour leur action contre les incontinences nocturnes des enfants. On peut supposer, que ce remède était donné en vertu de la signature, les couches mouillées ayant l'odeur de la souris.

Crapaud. Au XIXe siècle encore, on le plaçait sous le lit ou directement sous l'oreiller des malades ; il absorbait, croyait-on, les miasmes de la chambre, et en particulier, on recommandait son action contre la fièvre typhoïde.

Œuf de poule. Fraîchement pondu, il exerce, croit-on, une action calmante et rafraîchissante quand on l'applique sur des paupières congestionnées ou irritées. Un jaune d'œuf mélangé à du miel, de la farine et du safran en poudre, de façon à composer un cataplasme, aiderait à percer les abcès du sein.

L'un des plus curieux usages thérapeutique provençaux demeure celui qui fut observé pendant plusieurs années à Tubier, hameau dépendant de Septèmes, et de Marseille, dans la famille de Meste Lazare et de ses filles. "Le jour de l'Ascension, les enfants atteints d'une hernie venaient de toute la Provence à Tubier. Chacun devait avoir en poche un œuf pondu entre minuit du jour précédent et minuit de l'Ascension. Les filles de Lazare découronnaient l'œuf, faisaient couler le blanc et laissaient le jaune. L'enfant urinait alors dans l'œuf qui devait être plaint jusqu'à bord et qui était piqué ensuite dans une caisse remplie de cendres. Quand sonnait minuit, on fermait les caisses dans lesquelles se trouvaientt parfois trois ou quatre cents oeufs. On n'y touchait plus jusqu'à l'an suivant. Les enfants devaient revenir deux autres années, le jour de l'Ascension. La troisième année, leur hernie était radicalement guérie."

Nid d'hirondelles. Oui avec de l'huile d'olive, ce nid, en cataplasme, guérirait les maux de gorge.

Sang de bœuf. La viande saignante de bœuf est un remède connu des guérisseurs provençaux elle est appliquée crue sur les cancers. Le sang qui jaillit d'une artère ouverte d'un bœuf était utilisé contre le rachitisme en jets dirigés sur les reins de l'enfant. À Meyrargues, on frottait les verrues avec de la viande de bœuf que l'on laissait pourrir sous une pierre.

Écrevisses pilées. En cataplasme sur le ventre, elles étaient utilisées comme vermifuges.

Coquille d'escargot. Calcinées jusqu'à être grises et pilées en pommade avec de l'huile d'oli, elles guérissaient, selon les traditions paysannes de Noves, toutes les brûlures. Ce remède empirique devait être efficace car sa composition était analogue à celle du liniment oléo-calcaire de la pharmacopée moderne.

Hippocampe. A Nice, les pêcheurs croyaient qu'il suffisait de porter dans son bonnet un hippocampe séché pour être préservé des migraines.