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Un texte émouvant de mon ancien élève Mathieu, (25 ans après) qui si je pouvais en douter quelquefois, met un vrai sens à notre métier d'enseignant et d'instituteur :

"Bonjour Monsieur Bourdy.

Peut-être vous souvenez vous de moi. J'ai été votre élève au cours de l'année 1996/1997, en Cm1-Cm2 à l'école Jules Verne. J'ai joué le rôle de Costi dans la pièce de théâtre Pythéas* que nous avions réalisée.

En somme que d'excellents souvenirs. 

J'ai retrouvé voilà peu de temps "Le criminel during" exercice d'expression écrite pour lequel vous m'aviez félicité et fait l'honneur d'une lecture à haute voix.

Quelque chose dans cette petite vie !

J'ai été par la suite un bon élève, un peu fainéant, me reposant sur mes acquis, sans être un cancre. J'ai toujours réussi à m'en tirer, grâce au souvenir de ces belles anées, grâce à ma maîtresse Madame Galleron, qui m'appellait son dictionnaire, et grâce à vous qui louiez ma faculté pour photographier les mots.

Syntaxe, grammaire, vocabulaire, le Français m'a sauvé la mise à quasiment chaque examen, chaque vrai coup dur. J'ai cherché à chaque fois que ça merdait, dans les livres, une caution, des armes, des munitions, des laisser-passer pour tenter de survivre, quand j'étais enfermé dans des usines à mort, dans des 3X8 des 2X12, dans des charniers.

Vous savez dans les usines, on voit beaucoup de choses, mais jamais je n'y ai vu d'avenir, rarement j'y ai vu de l'espoir. Mais j'ai pu tenir, j'ai pu apprendre, et puis j'ai pu comprendre. Quand j'étais dans un deux-pièces qui prenait l'eau par le toit, quand je poussais ma voiture parce que le gasoil était trop cher, cette foi que j'ai eue, c'est un peu grâce à vous.

Je me souviens, quand j'avais écrit le criminel du ring, beaucoup de mes camarades disaient que j'avais plagié un livre déjà existant. J'étais un gosse naïf, je les ai crus, dur comme fer. 'Pas de chance' me disais-je, d'avoir sans le faire exprés écrit quelque chose d'existant. Puis je suis retombé dessus. Cette histoire tient en quelques lignes, et personne ne saurait nier son caractère enfantin, simpliste, au fond presque touchant. Pour prétendre avoir vu ce texte dans un vrai livre, il faut vraiment n'avoir aucune idée, vraiment n'avoir jamais de sa vie ouvert un livre. J'ai compris avec le temps, que ces gens là mentaient, et qu'aujourd'hui encore, ils n'avaient toujours pas ouvert de livre.

Aujourd'hui, c'est moi qui en ai écrit un !

Les colibris des arbres est le premier d'une trilogie consacrée aux monstres mécaniques, industriels, aux héros déchus, à l'abandon des choses, au reniement des causes. Je vous remercie encore."

* Pythéas : Pièce de théâtre de Louis Brauquier - Pour la petite histoire, la mise en scène de cette pièce avec mes élèves me valut l'honneur de partager avec mon ami instituteur Alain Gilles, le Prix Louis Brauquier 1978 de l'Académie de Marseille. (Gilles Bourdy)